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«Il lui vient des fulgurances à tomber le cul par terre. Une forme d'esprit sidérante. Déconcertante est le mot juste. Et quand il tient la forme, c'est le plus fort de nous tous.» Ces quelques lignes de Cavanna, qui fût longtemps son complice, décrivent parfaitement Georges Bernier, homme de presse, philosophe, poète, chanteur, provocateur, plus connu sous le nom de Professeur Choron.
Si l’on connaît du personnage son fume-cigarette élégant, sa grande gueule et ses provocations, Georges Bernier est avant tout un immense créateur et un homme de presse hors pair. Sans lui, des journaux aussi mythiques que Hara Kiri mensuel, Charlie hebdo, Charlie mensuel, La Gueule Ouverte, BD, Surprise, Grodada, n’auraient jamais vu le jour.Des dizaines d’auteurs, parmi lesquels Reiser, Gébé, Willem, Wolinski, Cabu, Vuillemin, Lefred Thouron, Nicoulaud, Fournier, pour les dessinateurs, Cavanna, Delfeil de Ton, Jean-Marie Gourio, Sylvie Caster, Berroyer, pour les textes, y ont trouvé les moyens de s’épanouir. Les éditions du Square furent tout au long de leur existence une vrai pépinière de talents et le Professeur Choron leur maître.
«Fils d’une mère de garde-barrière», il fait tous les métiers «trafiquant, monte-en-l’air, menuisier, plâtrier», avant de partir se battre en Indochine comme engagé volontaire. Il en revient «alcoolo et tubar»mais déterminé à gagner sa vie. C’est alors qu’il rencontre François Cavanna dans une société de vente de journaux par colportage. Avec lui, il fonde en 1960 Hara-Kiri mensuel. Le magazine ne traite pas d’actualité ni de politique, mais son humour qualifié de « bête et méchant » par un lecteur Commandant à la retraite, bouscule et scandalise une société aux mœurs il faut dire assez coincées.
Cet esprit provocateur et libertaire va attirer de nombreux dessinateurs et le journal publie des dessins de Fred qui signe les premières couvertures , Topor, Reiser, Gébé, Wolinski, et Cabu qui a trouvé le surnom de Pr. Choron. Le slogan d’alors est : «Si vous avez deux francs à foutre en l'air, achetez Hara-Kiri, sinon, volez-le !» Hara Kiri est à partir du n°3 distribué en kiosque et au fil des ans, malgré plusieurs interdictions, va atteindre les 250 000 exemplaires vendus.
Mai 68 et la création de journaux comme L’Enragé de Siné, incitent l’équipe à vouloir se frotter à l’actualité. Le 3 février 1969 paraît Hara-Kiri hebdo, qui manque de s’appeler «Vite fait, vite lu» - prolongement hebdomadaire du mensuel.
En six mois ses ventes sur Paris passent de 5 000 à 24 000 exemplaires et son tirage va atteindre les 180 000 exemplaires. En février 1969, paraît également Charlie mensuel, «plein d’humour et de bandes dessinées». En novembre, à la mort du général de Gaulle, Charlie hebdo, affiche en Une le titre trouvé par Choron : «Bal tragique à Colombey : 1 mort». Quelques jours plus tôt 146 personnes avaient trouvé la mort dans l’incendie d’une discothèque de l’Isère. Le journal déjà mal vu par le pouvoir est interdit sous le prétexte fallacieux de pornographie. Il reparaît aussitôt, quasiment à l’identique, sous le nom de Charlie hebdo.
Les éditions du Square connaissent une période florissante, toutes les dettes sont réglées et même les albums se vendent comme des petits pains. Georges Bernier se démène pour faire vivre le journal ; négociations avec les imprimeurs, levées d’interdictions, procès, sans oublier les fêtes de la rue des Trois Portes qui attirent le tout Paris.
Lorsque l’argent rentre, il le distribue à l’équipe, lorsqu’il se fait rare il en trouve, parfois dans des conditions rocambolesques comme il le raconte dans le livre de mémoires écrit avec J-M Gourio, «Vous me croirez si vous voulez».
Mais si Choron assume totalement son rôle de « patron » gestionnaire, il s’investit aussi dans le travail de la rédaction. Pour le mensuel Hara-Kiri il crée ou participe aux fausses-pubs, aux photo-montages, écrit des textes, et joue dans les romans-photos. Ses «Fiches-bricolages» sont des chefs-d’œuvre d’humour et de non-sens et ses «Jeux de cons», des modèles d’écriture et de concision.
Au fil des ans et de l’évolution de la société, plus ouverte, les titres du Square vont doucement péricliter. Charlie hebdo cesse de paraître en 1981, Charlie mensuel en 1986, Hara Kiri en 1988. Le titre vendu aux enchères puis loué, connaîtra ensuite des fortunes diverses.
Choron n’en néglige pas pour autant sa carrière de chanteur. Auteur d’une vingtaine de chansons, il les interprète sur scène au cours de quelques concerts mémorables dont un à L’Olympia en 1981 présenté par Coluche. Vuillemin, Berroyer, Jean-Marie Gourio font partie de l’orchestre qui l’accompagne. Plusieurs disques sont enregistrés sur lesquels figurent des titres comme «Caca chocolat», «la Testiculance», «Cot cot codet» ou l’impérissable «La Javice».
Autre aspect inattendu de son parcours, en 1991 Georges Bernier désormais grand-père, crée et anime, Grodada, un journal pour enfants très éveillés, avec entres autres, des dessins de Vuillemin et de Charlie Schlingo.
Douze ans après, le Professeur Choron n’en a pas fini avec les aventures de presse, il édite encore La Mouise, journal largement illustré par Vuillemin ou Lefred Thouron et distribué par colportage.
Les humoristes d’aujourd’hui n’en finiront jamais de rembourser au Prof tout ce qu’ils lui doivent. De Coluche aux Nuls en passant par Desproges ou les Robin des bois, il a su insuffler dans l’humour contemporain une liberté de ton et d’esprit que l’on ne connaissait pas auparavant
Merci qui ? Merci Professeur Bernier !
F. Forcadell
Pour en savoir plus sur Georges Bernier :
"Moi Odile, femme à Choron", hélas introuvable; le meilleur livre écrit sur l’aventure des éditions du Square ( Mengès. 1983 ).,
"Vous me croirez si vous voulez", mémoires rassemblées par Jean-Marie Gourio ( Flammarion, 1993 ), à regarder, mais également introuvables, "Les fiches Bricolages en cassette vidéo" ( Canal+ ),
enfin, les éditions Glénat ont réédité dans la collection Glénat Humour ses deux livres cultes, "Les Fiches Bricolages" et "Les Jeux de con du Pr. Choron".
Le Professeur CHORON, de son vrai nom Georges BERNIER, est né le 21 septembre 1929 à Laneuville-aux-Bois en Argonne, et est décédé le 10 janvier 2005 à Paris.
Il est enterré à Paris au Cimetière Montparnasse ( 26ème division ) avec sa femme Odile VAUDELLE ( 1934 1985 ), quatre rangées à l'ouest de la tombe de Maupassant.
Avant Hara Kiri et Charlie Hebdo, il n’y avait rien. Il y avait Ici Paris et France Soir » écrit dans son journal Marc-Edouard Nabe. « Les dessinateurs qui sont désormais lancés, les publicitaires qui peuvent utiliser des gros mots, les écologistes, les acteurs de café-théatre, les animateurs des radios libres, les imitateurs, les actrices de films pornos, les cinéastes underground
: tous sont redevables à « Charlie ». Toute la France s’est régalée de leurs conneries ! ».
On ne mesure peut-être pas bien aujourd’hui, en 2005, l’influence des journaux créés par le professeur Choron. En plus des mythiques Hara Kiri et Charlie Hebdo, Georges Bernier a lancé le premier journal véritablement écologiste (La Gueule ouverte dont le journal La Décroissance se réclame aujourd’hui) et d’autres moins connus mais tout aussi singuliers comme Grodada (le premier journal pour enfant non gnan-gnan, avec le dessinateur Charlie Schlingo), et La Mouise (où son fidèle complice Vuillemin pouvait exprimer tout son talent). En produisant au début des années 80 les « cassettes vidéo Hara Kiri », Choron et son équipe réussirent alors ce que Les Nuls ou d’autres comiques n’atteindront jamais quelques années plus tard : réaliser une adaptation audio-visuelle réussie de l’humour « bête et méchant ». Le professeur Choron était aussi l’auteur-interprète de quelques chansons mémorables qui lui valurent de chanter à l’Olympia en première partie du groupe Odeurs dans les années 80. Bref, Georges Bernier était un touche-à-tout génial. Ce n’était pas simplement cette grande gueule qui s’exprimait crûment ou lâchait des gros mots sur les plateaux de télévision, rôle auquel le petit écran le cantonnait, mais un « barbare aristocrate » pour reprendre l’expression de Marc-Edouard Nabe. Le Bernier vu à la télé (qui se servait de ce dernier comme emmerdeur de service et figure haute en couleurs) a fini par occulter le vrai professeur Choron. Georges Bernier alias Professeur Choron est mort le 10 janvier 2005. Il était âgé de 75 ans. Les quelques articles nécrologiques parus dans la presse française ont insisté essentiellement sur le caractère scatologique de son humour ou sur l’aspect provocateur du bonhomme. Personne ne rappelait l’essentiel, à savoir qu’avec Georges Bernier, c’est non seulement l’un des grands patrons de la presse française qui disparaissait mais un artiste à part entière, unique en son genre : le professeur Choron.
Personne, mieux que l’écrivain Marc-Edoaurd Nabe, n’a su décrire Choron : « Georges Bernier n’est pas un grand artiste. Il n’écrit pas, il ne dessine pas : il est. Son art c’est sa prestance. Choron parle en vers, fredonne par rimes tous ses propos. Il émet des octosyllabes, et plus fréquemment des heptasyllabes. Son discours se dirige vers la psalmodie. Il improvise de véritables litanies, gueule solennellement des homélies d’ordures jusqu’à les étirer en lancinante prosodique. Les sourcils en accents graves et le regard entre guillemets, il récite comme un moine tibétain les déchirantes et immondes prières que sa dérision sans limite lui inspire ».
Ce n’est pas sur cet aspect de sa personnalité que l’on insista dans les jours qui suivirent sa mort. On repassa en boucle les images de ses coups de gueule à la télévision, comme à l’émission Droit de réponse. On ne montra pas en revanche les vidéoclips de ses chansons (notamment celui tourné dans un décor dantesque, au milieu des quartiers de viande sanguinolents d’un abattoir) ou les sketches vidéo d’Hara Kiri aux côtés desquels ceux des émissions des Nuls ou des Inconnus passent pour des saynètes d’enfants de cœur. Parmi les articles nécrologiques, seul celui de Yann Kerninon, collaborateur du mensuel « choronien » Zoo, lui a rendu justement hommage : « Le professeur Choron était un gentleman déguisé en salaud. Il a passé sa vie à rire avec talent d’une société de salauds déguisés en gentlemen : notre société. (
) Le professeur Choron était-il vulgaire ? Oui et très consciemment. Parce que la vulgarité grasse, truculente, rabelaisienne, consciente, joueuse et affirmée est la toute dernière chose qui sépare encore les non-bourgeois véritables des antibourgeois aigris, des vieux bourgeois réac et des jeunes bourgeois bohèmes. »
Les dernières années de sa vie, Choron avait été lâché par la plupart de ses collaborateurs des années 60 et 70. Cabu, Cavanna, Gébé, Willem, Wolinski, s’étaient éloignés de lui en rejoignant le chansonnier Philippe Val pour lancer une nouvelle formule de Charlie Hebdo. Sous l’impulsion de Val, Charlie Hebdo changea fondamentalement. Ce dernier soutiendra l’intervention militaire de l’OTAN au Kosovo (alors que Charlie Hebdo était à l’origine un journal farouchement anti-militariste), appellera à voter pour le candidat « libéral-libertaire » Daniel Cohn Bendit aux élections européennes de 1999 (alors que l’ancienne formule de Hara Kiri avait lancé la candidature anarchiste-burlesque de Coluche en 1981 pour « leur foutre au cul »), et soutiendra, comme TF1, Le Nouvel Observateur, Le Monde, Libération, L’Express ou Le Figaro, le « oui » au référendum sur le traité constitutionnel européen (alors que Charlie Hebdo avait toujours été un journal résolument anti-conformiste). Contrairement à ses anciens camarades devenus des institutions du dessin de presse (Cabu, Willem), décorés de la légion d’honneur (Wolinski) ou auteurs de livres à succès (Cavanna, Gourio), le professeur Chroron, lui, est toujours resté un esprit réfractaire, viscéralement anti-consensuel et irrespectueux. Si, parmi les fondateurs d’Hara Kiri, quelqu’un est resté fidèle jusqu’au bout à l’esprit anarchiste du journal « bête et méchant », c’est bien lui.
dans LUI n° 213 octobre 1981: "CHORON: v'la le vitriol qui passe !" par BERROYER